T C H A N G
E T
M O I
Chen
La photo était là, sur la table…
*
Non, elle n’était plus sur la table,
puisque depuis longtemps déjà,
je l’avais faite encadrer sobrement
et
elle ornait discrètement l’un des murs de ma chambre…
*
*
*
Il s’appelait Chandernagor,
mais pour moi,
c’était Tchang.
*
Le soir,
après une journée terne, triste et grise,
après mon potage aux coulemelles,
je me couchais en général assez tôt.
J’allumais la petite bougie rouge,
celle qui est légèrement parfumée aux épices du Bengale.
Je lisais quelques pages de Kipling
et puis
je faisais un léger toc toc de mon doigt
contre le bois blond de ma table de nuit.
En l’attendant,
je m’allongeais bien sur le dos, je m’étirais complètement,
je fermais les yeux doucement
et
je laissais en moi s’installer une respiration lente et profonde.
Luxe, calme et volupté…
Qu’il est doux d’attendre…
Il ne tardait jamais beaucoup.
A quelques signes impalpables,
je devinais qu’il descendait tranquillement de son cadre.
Son pas de velours faisait à peine craquer le parquet.
Alors,
je soulevais le drap, juste un peu, pour l’accueillir.
Il venait se glisser délicatement à ma droite
et moi,
je me blottissais tout contre lui…
Hum… C’était bon…
On restait un long moment comme ça,
sans rien dire, sans bouger,
juste à se respirer…
La lueur dansante de la bougie.
Et puis, subitement,
je me mettais à lui raconter ma journée,
toute ma journée,
les choses insignifiantes, mes menus ennuis, mes petits plaisirs…
Il restait silencieux,
mais je savais qu’il m’écoutait.
Vraiment.
Un peu plus tard,
il y avait toujours un moment
où je le sentais imperceptiblement frémir…
La flamme vacillait davantage.
Dans la pénombre,
il ne pouvait pas savoir que mes joues avaient rosi.
Alors,
d’un souffle vif, j’éteignais la chandelle.
Aussitôt
la mèche commençait à fumer
et à sentir si bon
dans le noir…
Bientôt,
le sommier à lattes murmurait un peu.
Quand la cloison, inévitablement,
se mettait à vibrer,
j’avais toujours peur pour les voisins…
*
*
*
Le matin,
je me réveillais toujours tard.
Bien reposée,
comme neuve d’un jour neuf.
Je sentais encore sa présence chaude contre moi,
alors qu’il avait repris sa pose sage et figée
sur le mur.
Quelquefois,
sur le miroir de la salle de bain,
il avait pris le temps de laisser quelques mots carmins :
« Pénéloop, avec vous, les nuits sont si douces… »
Pénélope Estrella-Paz
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