L' H E U R E D E
L A R E C R E A T I O N
Mai 2012
Je m'en souviens,
c'était un matin...
La maîtresse m'avait demandé
de rester dans la classe,
au début de la récréation,
pour essuyer le tableau...
Il y avait tout plein de verbes,
écrits soigneusement en gros,
à la craie de nos enfances,
certains en couleur,
et j'avais pris tout mon temps.
J'ai toujours adoré essuyer
ce grand tableau vert sombre,
toute seule, comme une grande...
Pour le haut, c'était difficile,
il fallait que je me mette sur la pointe des pieds.
L'estrade craquait à chaque fois.
J'aimais bien m'appliquer.
Après,
je savais que ce serait le calcul,
mais ça, j'aimais moins...
Quand toutes mes copines étaient sorties en courant
dans la cour de tuffeau,
sous les trois tilleuls qui jaunissaient tranquillement,
un peu davantage chaque jour,
en sentant déjà bon les feuilles mortes
qu'on ramasserait bientôt à la pelle...
... et, au moment où elles étaient toutes bien occupées
à s'amuser en piaillant,
avec des osselets, des cerceaux,
des cordes à sauter ou des images à échanger...
...la maîtresse m'a demandé gentiment,
mais un peu solennellement, je crois,
de m'approcher un peu de son bureau.
Elle sentait toujours bon...
Sur ses épaules toutes douces,
elle portait souvent,
très simplement,
un petit corsage blanc en dentelle d'autrefois.
Sa jupe écrue était ample, ondulante,
serrée à la taille
et très sage.
La ceinture,
à motifs traditionnels,
était brodée et finement ouvragée...
Mais jamais de chignon ni de vieilles lunettes,
comme les autres maîtresses...
Souvent,
elle se faisait de belles longues tresses blondes,
avec, au bout,
un petit noeud de ruban russe
très coloré, très joli,
que j'avais quelquefois envie de toucher
secrètement...
Sur mon livre de géographie, le soir,
je regardais souvent avec Papa,
l'Ukraine et la mer Noire..
Au coin du bureau,
fixé solidement sur la gauche,
il y avait une drôle de petite machine noire qui brillait
et qui taillait parfaitement les crayons de bois,
quand on tournait bien comme il faut la petite manivelle...
A la fin,
en ouvrant grand les yeux,
on mettait délicatement son doigt sur le pointu,
c'était magique !
Ce jour-là,
je m'en souviens,
il y avait une belle lumière oblique d'automne
qui, à travers les vastes fenêtres à petits carreaux,
faisait danser très joyeusement,
au-dessus de la haute pile des cahiers violets,
des milliers et des millions
de minuscules grains de poussière
de craie blanche...
J'aimais beaucoup ces moments-là.
Alors,
avec son délicieux petit accent slave,
un peu chantant, un peu sautillant,
et en posant doucement
son beau regard bleu pastel sur mes yeux fiers,
elle avait dit :
" Dis-moi, ma Loop,
j'aimerais bien savoir
où tu as appris à lire et à écrire... "
Alors moi,
j'avais regardé le petit noeud bleu et rouge,
un peu coquin,
de ses longues tresses blondes
et j'avais dit tout bas :
" Dans les lettres d'amour de ma Grande Soeur,
mais il ne faut pas le répéter,
Maîtresse... "
Pénélope Estrella-Paz
L'image :
L'école communale de Savennières,
en Anjou,
là où a grandi Danièle Sallenave :
Olia : Clic !
Odeur des pluies de mon enfance : Chic !
Loop se déguise en maîtresse d'école : Hop !
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valdy 25/11/2012 10:48
Oh ! My Loop ! 29/11/2012 17:36
Éric G. Delfosse 23/11/2012 23:53
Oh ! My Loop ! 29/11/2012 17:38
Frieda 23/11/2012 20:44
Oh ! My Loop ! 29/11/2012 17:40
Plume 23/11/2012 20:27
Oh ! My Loop ! 29/11/2012 17:41
covix 23/11/2012 15:31